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Les vestiges du temps : l’exploration urbaine par le photographe Tekprod


Le passé vs. le présent. La nature vs. la ville. La science vs. la poésie. Pourquoi les choses les plus importantes doivent-elles toujours s’opposer ? Pour laisser l’art faire son travail. Celui de construire des ponts entre les différents pôles de nos vies et nous laisse apercevoir pendant un instant le tableau dans son intégralité.

C’est exactement ce que fait Emmanuel Tecles (alias Tekprod), sportif professionnel et photographe amateur. Cet artiste français à un penchant prononcé pour tout ce qui vient du passé. Et pourtant, il peut passer des heures sur les réseaux sociaux à promouvoir ses clichés. Il chérit les maisons abandonnées, mais prend le plus grand soin de son site de photographie construit avec Wix. Ce qui réunit tout ces éléments ? L’exploration urbaine – encore appelée urbex.

Ce courant a pris beaucoup d’importance durant les 10 dernières années. L’urbex consiste à explorer et à photographier des lieux construits puis délaissés par l’homme – d’une usine à une église, en passant par un vieux manoir. En précurseur, Emmanuel nous explique cette passion qui mêle adrénaline, histoire, nostalgie et parfois même quelques fantômes du passé.


À la découverte de l’exploration urbaine

Salut Emmanuel ! Ravis de te rencontrer et de t’ouvrir les portes du blog de Wix.

Salut l’équipe. Tout le plaisir est pour moi 😉

Trêve de salamalecs. Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis Emmanuel Tecles, 35 ans. J’ai plusieurs cordes à mon arc, car je suis professeur de sports au collège, joueur de paddle tennis et je suis également auteur-photographe. J’ai commencé la photographie en autodidacte en 2008, et je fais de la photographie d’exploration depuis 2010.

Qu’est-ce que la photographie d’exploration ?

Cette pratique est davantage connue sous son acronyme urbex (pour urban exploration) depuis ses débuts, il y a 20-25 ans. Elle consiste à explorer et photographier ce qui a été construit, puis abandonné par l’homme. Un jour, je suis entré par curiosité dans une gare abandonnée à Canfranc, dans les Pyrénées. J’ai voulu immortaliser ce moment en le photographiant, car j’aimais l’ambiance qui se dégageait. J’ai ensuite montré la photo à un copain, qui m’a dit : “Ah, mais tu fais de l’urbex”. Voilà comment j’ai commencé l’urbex : sans même savoir que j’en faisais [rires]. Personnellement, je préfère parler de photographie d’exploration, car c’est une appellation plus ouverte. Chacun explore les lieux à sa manière et vient avec son propre style, son propre oeil.


urban exploration (urbex) photo of an abandoned train station by Wix photographer Emmanuel Tecles


Qu’est-ce qui t’a ensuite poussé à t’engager dans l’exploration urbaine ?

Beaucoup de raisons se mêlent. Il y a mon goût pour l’histoire et l’architecture, l’aventure et le voyage, l’adrénaline des visites, la curiosité de découvrir des intérieurs souvent prestigieux, le tout dans une ambiance délabrée que je trouve si inspirante. En même temps, c’est la dénonciation de la société consumériste qui nous conduit à construire puis à abandonner, plutôt qu’à entretenir. Mais cette pratique entre aussi en résonance avec ma propre sensibilité artistique. Il y a beaucoup de poésie dans ces lieux laissés à l’abandon. Et puis, je suis quelqu’un de nostalgique, j’aime visiter des époques que je n’ai pas connues. Je trouve d’ailleurs que ce qui a été construit avant est plus beau que ce qui est fait aujourd’hui. C’est mon côté “Errances anachroniques”, titre que j’ai donné à mon site internet. Enfin, quand je me retrouve dans ces endroits, j’aime le silence et l’impression d’errer dans une autre époque, face à moi-même. Je me sens bien, en aparté dans un monde parallèle.

Es-tu aussi sensible à l’histoire de ces lieux ?

Oui, beaucoup. Quand le lieu m’intéresse, je fais des recherches plus approfondies pour trouver des photos d’archives. Elles me permettent de comparer, de me projeter un peu plus dans le passé et voir ce que le temps a façonné. Au-delà, la photographie d’exploration me permet de laisser une trace. C’est d’ailleurs l’un de mes fils rouges : j’aime comparer l’avant et l’après, mettre mes photos en rapport avec les documents d’archive. J’ai d’ailleurs été contacté par la Mairie de Toulouse pour prendre des photos de lieux abandonnés, avant et après réhabilitation. C’est ma façon d’oeuvrer pour la sauvegarde du patrimoine. Et puis, en parlant de trace, mes photos sont aussi ce que je laisserai de mon passage sur cette Terre…


Quelles sont tes influences ?

J’ai regardé beaucoup de travaux de photographes, toutes disciplines confondues. Je pourrais en citer des dizaines, mais j’aime tout particulièrement le travail d’Aurélien Villette, un grand nom de l’exploration urbaine. Il réalise des projets sérieux, étudiés, menés sur plusieurs années. Son oeuvre intègre les composantes sociales, économiques et politiques des bâtiments. J’admire beaucoup son travail. J’ai eu la chance de le rencontrer et de faire quelques virées avec lui. C’est le genre de personnes qui donne envie de progresser, de se dépasser et d’aller au bout de sa passion.


Par ailleurs, mon univers est très influencé par celui de Tim Burton, pour le côté dark et énigmatique, mais aussi (et surtout) par les livres poétiques de Mathias Malzieu, où l’imaginaire est le maître-mot.


urban exploration (urbex) photo of the keyboard of an old piano by Wix photographer Emmanuel Tecles


Explorer et non reproduire

Parlons concrètement. Quand tu pars en exploration, es-tu seul ou accompagné ?

Je pars quelques fois seul, pour des repérages, mais la plupart du temps c’est à 2 ou à 3. C’est d’ailleurs préférable de partir accompagné. D’abord pour la sécurité. Ensuite, quand on est à plusieurs, on s’aide. Par exemple, on partage les frais, ce qui n’est pas négligeable car l’exploration, c’est beaucoup de route. Un trajet moyen représente 5 000 kilomètres sur 6 à 8 jours – toujours en voiture, car cela permet d’être autonome. Par exemple, si un spot que j’avais prévu est en réhabilitation, je peux continuer mon chemin et passer au suivant, ce qui serait impossible en train. Tactiquement, je conseille d’ailleurs de bien baliser son trajet en amont, mais en prévoyant des spots de secours, au cas où. Il faut également prévoir de passer par des petites routes, qui réservent généralement de belles surprise.

La coopération permet donc d’être plus efficace ?

Oui, mais pas que. Pour moi, l’urbex passe par le partage d’une passion. Je n’échange pas, mais je rencontre des personnes qui aiment la même chose. Je suis un certain nombre d’autres photographes sur les réseaux et quand j’aime leur travail ou leur sérieux, on se retrouve pour partir ensemble en virée. Je dénonce au contraire ceux qui échangent les lieux à tout va pour agrandir leur liste. C’est la course aux “likes” sur les réseaux sociaux : la pire des démarches, et ce n’est pas la mienne. Si une photo a une âme parce qu’elle a été bien pensée et bien travaillée, elle marchera bien et toute seule [sourire].

Quels sont les critères d’un bon spot selon toi ?

Déjà, c’est un endroit peu connu, et donc peu photographié. Ensuite, c’est un endroit bien préservé, avec le moins de dégradations possibles, comme les tags, que je condamne car c’est un vrai manque de respect au patrimoine. Enfin, c’est un endroit qui a eu un DECAY naturel. Trouver un lieu dans son jus, tel que seuls le temps et la végétation ont pu faire leur oeuvre, c’est le Graal de tout explorateur.


urban exploration (urbex) photo of an abandoned church by Wix photographer Emmanuel Tecles


C’est plutôt rare aujourd’hui, non ?

Oui, mais il arrive encore d’en trouver. Il y a encore de nombreux lieux abandonnés en Europe, que l’on peut découvrir et être le premier à photographier. C’est une fierté dans la communauté de l’urbex, d’être “le premier”. C’est vrai que c’est toujours agréable de découvrir un endroit grâce à ses propres recherches. Mais je ne rechigne jamais à aller dans des endroits déjà faits. Ma fierté à moi c’est de tirer du spot une image qui me ressemble, avec mon style et surtout le privilège d’avoir vu le lieu de mes propres yeux.

A propos de la communauté urbex, comment la définirais-tu ?

Quand j’ai commencé il y a 8 ans, il s’agissait d’une communauté underground. La philosophie : moins on était connu, mieux c’était. En France, on était quelques dizaines et on était hyper connectés sur les réseaux sociaux. C’était sympa, car on pouvait se rencontrer d’une région à l’autre. Il y avait un petit côté famille, sans compétition. La mode de l’urbex est ensuite arrivée il y a 3 ou 4 ans, suite à un reportage sur Envoyé Spécial qui avait pour objectif de présenter et préserver le patrimoine, mais qui a eu l’effet inverse. Beaucoup de novices se sont lancés, notamment des jeunes. Les dérives ont suivi, avec des décès (des chutes mortelles dans des usines de non-initiés), et beaucoup de dégradations. Le pauvre Manoir de Toulouse a par exemple été beaucoup endommagé. C’est dû à la mégalomanie de certains photographes, qui se contentent de faire de la photo au téléphone, sans technique, juste pour la poster sur Facebook et dire “j’y étais”.

Quels sont les risques de l’urbex ?


Le premier est l’insalubrité des lieux. Les spots sont par définition délabrés : il faut donc faire attention où l’on met les pieds. Deuxième risque : se faire prendre. Je vais dans des lieux privés, mais ouverts aux quatre vents, et sans panneau interdisant l’entrée. Je n’entre que dans des endroits qui ne nécessite pas de casser, par exemple en passant par une cave, une terrasse à partir d’un arbre, etc. Sinon, je passe mon chemin. A partir du moment où quelque chose est cassé, il y a effraction et c’est pénal.


urban exploration (urbex) photo of a spiral staircase by Wix photographer Emmanuel Tecles


Une anecdote ?

Il y a bien sûr les contrôles inopinés de la police ou des voisins. Cela fait partie des risques. Mais ce n’est pas mon expérience la plus insolite. Celle-ci a eu lieu en Belgique, dans une maison encore pleine (de meubles, de vêtements, etc.). Les habitants avaient disparu du jour au lendemain. Je me retrouve dans une chambre d’adolescente, quand soudain un bout de plâtre tombe du toit et casse une fiole de parfum. Le parfum se répand, et pile au même moment, le vent s’engouffre et fait bouger la porte. J’ai eu une sensation de présence qui me donne encore les frissons aujourd’hui, rien que de le dire. Je me suis senti vraiment pas bien. Comme si un fantôme me frôlait. C’est ça aussi l’exploration : de l’adrénaline et  beaucoup d’émotions.


Les règles de l’exploration urbaine

Comment continuer à faire de l’exploration de qualité avec cette prolifération de photographes amateurs ?

Premièrement, en respectant scrupuleusement les pratiques, qui sont très codifiées. Par exemple, on ne donne pas un spot à quelqu’un que l’on ne connaît pas, et on ne nomme jamais un lieu par son vrai nom. Deuxièmement, il faut faire des recherches par soi-même. Par exemple, j’ai 500 spots répertoriés, dont 300 déjà visités, dans 10 pays européens (France, Espagne, Hongrie, Pologne, etc.). Enfin, il faut toujours viser la créativité et aller vers de nouvelles pratiques. En plus de la photographie, je commence à travailler avec des modèles qui posent dans des maisons abandonnées, ou à faire de la vidéo, avec un ami musicien.


urban exploration (urbex) photo of an abandoned factory by Wix photographer Emmanuel Tecles


Est-ce qu’aujourd’hui tu vis de tes photos ?

Non, car j’ai déjà un métier. Ce qui est important pour moi, c’est que la photographie d’exploration reste une passion. Une passion que je fais sérieusement. Ceux qui en vivent, c’est bien sûr génial.

Comment te formes-tu ?

Par essais et erreurs [rires]. C’est plus long du coup. Ce que j’aurais pu apprendre en 2 ou 3 ans, j’ai mis 10 ans à le faire. C’est aussi frustrant, car il y a beaucoup de photos de mes débuts qui sont inexploitables, faute d’avoir eu la bonne technique à l’époque.

En parlant de technique, quels matériels emportes-tu dans tes explorations ?

J’ai deux boîtiers : un Canon 70 D et un Canon 6 D. Après, je travaille avec un grand angle Sigma 12-24 et un Sigma 24-105 f4.0 pour les photos en recul. J’ai un trépied et une lampe LED pour l’éclairage. J’ai également un Canon 50mm f/1.8.


urban exploration (urbex) photo of an abandoned house by Wix photographer Emmanuel Tecles


Quels conseils donnerais-tu à un photographe qui veut se lancer ?

Ne pas bâcler le travail. Faire de la photo en respectant les règles, quelle que soit la pratique. Dans l’urbex aussi, il y a des règles et il faut faire les choses dans l’ordre : chercher, échanger, essayer d’innover, s’équiper en fonction, partir à deux et faire les choses intelligemment. Ensuite, il faut essayer de faire quelque chose de différent des autres. Chacun doit trouver son style pour exister en tant qu’artiste.

Une fois que tu es devant ton écran, passes-tu du temps à éditer ?

Peu et beaucoup à la fois. Pour moi, tout se fait déjà en amont. Je vais peut-être passer 3 ou 4 minutes pour prendre une photo, en faisant attention aux réglages, au cadrage, etc. Car après, c’est trop tard. Je suis pas très fort sur Photoshop, je vais juste reprendre les photos sur les contrastes. Mais en même temps je passe effectivement du temps sur l’ordinateur, car je me retrouve à travailler plusieurs fois une même photo selon mon humeur du moment.


Des maisons abondonnées et un site internet bien entretenu

Tu es très actif sur les réseaux sociaux. Comment les utilises-tu ?

Il y a un côté très addictif. Ca permet d’avoir des retours en temps réel sur ce que l’on a posté. Et puis, on a envie de faire connaître son travail. Donc j’utilise Facebook, et je me suis ensuite mis à Instagram. Mais j’avais besoin de quelque chose de plus formel et professionnel. C’est pour ça que j’ai choisi Wix. Ce que je fais sur les réseaux aujourd’hui, c’est satellite : je renvoie toujours à mon site internet.


urban exploration (urbex) photo of an abanded mansio by Wix photographer Emmanuel Tecles


Pourquoi avoir choisi Wix pour créer son site de photographe ?

Wix a été l’un des premiers à proposer une version totalement gratuite. Ensuite, il y a des fonctionnalités qui sont toujours remises en question et améliorées. Elles progressent en même temps que l’utilisateur. A chaque fois qu’il y a un petit problème, c’est résolu. J’aime aussi les possibilités et la liberté que l’Éditeur permet. Chacun peut partir d’où il veut, avec ses compétences. Par exemple, j’ai pris un template de photographie et finalement, je l’ai refait intégralement. Les outils sont simples, bien faits et efficaces. Je trouve ça ludique, c’est pour ça que j’aime y passer du temps.

A chaque retour de voyage, je charge mes photos. Je teste toutes les galeries, les animations. Du coup, mon site est quelque chose qui me ressemble tout le temps et évolue avec moi.

Quelques conseils de web design pour nos lecteurs ?

Il faut épurer votre site, qu’il aille directement à l’essentiel. Je n’ai pas opté pour le long scrolling, mais je fais en sorte que mes lecteurs n’aient jamais plus de 2 clics à faire pour arriver à n’importe quel endroit du site. Deuxième astuce : essayez de faire quelque chose qui vous ressemble. Par exemple, mon image de fond avec le mur craquelé est issu d’une photo que j’ai faite. Elle décrit parfaitement mon univers : le fond est blanc et pur, avec un logo design – c’est pour le côté architecture, et quand on glisse on voit une craquelure qui apparaît – c’est pour le côté abandonné. Il suffit parfois d’une photo pour installer une atmosphère.

Le mot de la fin ?

Chacun dispose d’un imaginaire suffisamment puissant pour aller au-delà des choses qui ont déjà été faites. Il suffit simplement d’oser. Par exemple, il y a encore un an, je rêvais de travailler avec un modèle en particulier. Je l’ai simplement contactée sur Facebook, et elle a accepté. Aujourd’hui, on travaille ensemble sur des vidéos.


urban exploration (urbex) photo of an abanded house with a model by Wix photographer Emmanuel Tecles


Dans le même ordre d’idée, j’ai aujourd’hui la chance que des gens me contactent pour exposer, voire même des magasins qui souhaitent avoir mes photos en vente chez eux ou pour de la vente en ligne de mes tirages. Dans un avenir proche, je vais faire des interventions pour des colloques d’architecture et je suis en préparation de deux livres, un sur l’architecture délabrée et une issue de l’imaginaire Tekprod pour aller plus loin dans mes “errances anachroniques”.

Moralité : il suffit d’y croire et de laisser parler son imagination.


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